TEST: Ka Sail Kamikaze
Puisque la 4 lattes de Ka fait partie des portées disparues au sommaire des tests magazines pour d’obscures raisons ou circonstances, je me suis dit qu’il était temps de laisser une trace de revue sur Internet. Même si c’est un bout de scalp qui ne vaudra pas la synthèse de 10 testeurs chevronnés, dans ce monde de symboles c’est suffisant pour ériger une sépulture.
Historique
La voile a bien évolué depuis le premier jet de 2014, la Kryptonite, qui était alors doté d’une plage d’utilisation de 5nds; hormis ce détail, la voile était bien construite. J’avais ouvertement fait comprendre au monde à l’époque que c’était une daube, la naïve newbie du sponsoring que j’étais n’avait pas compris que c’était une information à déclassifier après avoir revendu ses voiles. A la décharge de la marque qui n’est pas la seule à s’être plantée sur un nouveau modèle (cf la North Hero de 2016 qui n’a pas exactement fait l’unanimité chez ses clients), l’individu qui s’occupait de développer la voile à l’époque habitait l’Australie, un pays mondialement connu pour ses conditions de vent atrocement irrégulières. Je lui avais envoyé un message pour lui faire part de mes doléances, mais la notion de plage haute semblait lui échapper. Depuis, Omar Sanchez est arrivé dans le team Ka et a pris les choses en main, pour notre plus grand bonheur à tous et le sien avant tout, vu les cartouches pozoïennes qu’il se ramasse.
La Krypto 2016 était en gros progrès, je n’avais que 4.2 en plus grosse toile; la voile était un mélange de souplesse et de nervosité qui excellait en plage basse-moyenne, un régal pour les sessions de wavesailing. La Kamikaze (anciennement Krypto) 2017 a été fortement revue, avec un comportement très différent en fonction des réglages: un peu déroutant lors des premières navigations mais la plage d’utilisation a été défrichée au canon-laser vers le haut. La 2018 a peu changé, et la 2019 a repris un peu de poil de la bête avec des surfaces qui taillent plus grand d’après mon ressenti. Autre différence, les stabilisateurs de chute ont été rallongés et protégés avec du tissu autocollant (si quelqu’un a le nom de ce machin, merci de me le communiquer en commentaire. Vous m’obligeriez) (edit: insigna autocollant, tout simplement 🙂 merci!)
Infos diverses
Prix d’une 4.7: 499€ hors livraison
Poids d’une 4.7: dispo bientôt!
Les prix des voiles sont plus contenus chez Ka depuis 2 ans puisque la marque a choisi de réduire sa marge plutôt que les shop accordent quasi systématiquement des remises aux clients.
Gréage – les mâts
J’utilise 4.7 en plus grosse voile (compet oblige), et cette année je la trouve plus encombrante en light wind. Je gréé les Kamikaze sur des Ezzy, qui ont en théorie la même courbure que les Ka. Dans la pratique, le Ezzy me plaît moyennement sur la 4.7 2019. La 2016 était hyper tolérante en mât, mais le tissu du fourreau de mât a été changé les années suivantes pour justement moins se déformer, ce qui se traduit par plus de réactivité. La tendance est constant curve plutôt flex top. Après avoir comparé les gréages Ezzy/Ka, le Ezzy est trop constant curve, mieux vaut s’orienter sur du plus flex top comme alternative, idéalement du Ka.
Les mâts Ka sont fabriqués dans la même usine que les Ezzy, vous reconnaîtrez le top inversé caractéristique de cette marque. Sur le 100%, il est possible de mélanger les moitiés de mâts pour obtenir plus de souplesse en tête de mât pour des réceptions de backloop plus faciles ou plus de douceur en nav’ (combinaison: petit bas de mât avec grand top de mât). Le 75% n’existe malheureusement pas en 340. Le 100% est assez raide et plaira plus aux rideurs qui cherchent une voile plus réactive avec de l’appui. A contrario, le 40% est très souple bien qu’un peu lourd, et peut se révéler comme un choix intéressant pour la 3.3 dans du vent fort.
Petite parenthèse sur la courbure des mâts (le différentiel chez KA est de 13 à 13,5%): http://www.peterman.dk/windsurf-mast-article-gb01.htm
Les surfaces jusqu’à 4,5 inclue ont une têtière fixe, en-deçà la têtière est réglable, super facilement d’ailleurs.
Note sur le bitonio de têtière: que ce soit clair, je déteste cette solution de blocage de mât pour les tetières fixes, toutes marques confondues. Ça oblige à vérifier systématiquement l’emboitement correct du mât, quand on est persuadés que cette fois, c’est la bonne, le mât sort du fourreau avec un grand SCHLA sec et tout le monde te regarde en essayant d’étouffer un sourire compassé. Sans parler des bouchons de mât non compatibles.
Ce bitonio donc, est en théorie prépositionné verticalement en usine, et tout se passe très bien. Parfois, les mecs se chient. Ce qui rend les premiers gréages laborieux. Cuite à l’alcool de riz ou gnôle de bambou frelatée avec soin dans le local ménage, on ne saura pas.
Si votre voile est neuve, prenez à tout hasard un tournevis long et fin, et surtout, n’oubliez pas votre patience. Pensez TOUJOURS à vérifier si l’appendice en plastique noir (appelez-ça comme vous voulez) est correctement rentré dans le bouchon de mât. J’espère que vous avez les doigts fins. Cette année, cet objet a été taillé à la serpe (littéralement) pour correspondre à un plus large éventail de marques de mâts. Vive l’artisanat industriel et la standardisation.
Le point d’écoute a poursuivi sa migration vers le sol, j’ai maintenant le wish droit lorsqu’il est en bas de fenêtre. La voile devait être calquée sur le gabarit du hollandais moyen, pour un canarien d’1m70 et une frenchie d’1m65 il y avait un réajustement nécessaire. C’est chose faite.
Etarquage – Réglages
Le stabilisateur du panneau du haut donne un bon repère pour l’étarquage. Je règle mes voiles façon Montgolfier quand je suis un peu juste, mais en théorie, pour des conditions de vent qui permettent un franc planing, la voile doit être bien tirée à l’écoute et ne doit pas toucher le wish lorsqu’elle est posée à terre.
Les cotes sont exactes, nul besoin de savants calculs et d’expériences ésotériques pour les interpréter. Elles suffisent pour la plage d’utilisation normale, mais je n’hésite pas à tirer plus en bas quand je suis surtoilée. Je fais ça à l’oeil (l’hypermétrope de préférence), n’hésitez pas à tester vous- même différents réglages.
Attention, il m’arrive parfois de sous-étarquer la voile en conditions un peu limites, mais lorsque le vent monte, une voile pas assez étarquée ralentit le départ au planning et diminue notablement la vitesse de pointe. Effet gros sac garanti, et c’est valable pour toutes les voiles!
Pensez à bien tendre les lattes, les voiles à 4 lattes sont moins armées que les 5 lattespour maintenir le profil de la voile et vous constaterez une vraie différence de nervosité. Si vous souhaitez garder votre voile longtemps, il vaut mieux détendre les lattes en fin de session pour préserver les tissus d’une trop grande déformation, qui se traduira par une voile de plus en plus souple avec à terme un risque de déchirure du fourreau si les tissus restent trop tendus. Idem, ça vaut pour toutes les voiles, pensez-y si vous voulez les garder le plus longtemps possible.
Détails et fioritures
Avec un oeil aguerri, vous saurez déceler une belle protection de pied de mât en néoprène qui le recouvre généreusement si vous avez respecté les cotes, ainsi qu’une belle poignée pour pouvoir vous exercer au lancé de voile comme un bonairien, une superbe poulie en inox à rincer si vous faites un break de 2 mois, et une belle poche pour ranger son bout si vous ne faites pas partie de la tribu des maniaques de la demi-clé autours de la rallonge. La poche se révèle aussi fragile que les collants (voile de nuit gainant anti jambes lourdes sublimateur de galbe – barrez la mention inutile), bien connus pour leurs déchirures spontanées. Faites-moi penser à envoyer un mail au designer pour lui dire d’arrêter d’utiliser des bas résille pour cette partie-là de la voile.
La voile compte deux oeillets, ne prenez celui du haut que si votre taille dépasse le mètre soixante-quinze, pour ma taille le wish descend sous l’horizontale (en même temps je le mets bas).
Construction
Aux dernières nouvelles, les Ka provenaient de la même usine que les Gaastra, info à vérifier. La voile existe en deux versions pour la fenêtre centrale: monofilm tramé (couleur rouge et jaune) et monofilm non tramé (les bleues et jaune).
Je préfère le non tramé pour arriver à voir quelque chose à travers la voile; le tramé, j’ai testé, je trouve que ça n’a aucun intérêt en termes de solidité: quand la voile est morte, ça ne l’empêchera pas d’exloser, ni de limiter les marques de plis. En cas de déchirure, le tramé permet de circonscrire le trou, et encore.
Les Ka sont des voiles très légères dans les bras, et psychologiquement on pourrait s’attendre à une construction assez light. J’ai testé sur un bon nombre de boîtes, je ne suis pas hyper soigneuse et le rapport poids/prix/résistance me va très bien. Le monofilm de 0,7mm marque assez vite mais moins qu’une Gun qui arrive déjà marquée à la livraison. Paradoxalement les endroits qui ont explosé d’abord sont le bas de la voile en E3 (X-Ply tri-axial, le machin bleu qui coûte une blinde) sensé être plus solide, et le monofilm tramé jaune, sur des gros brassages où je n’ai pas pu securiser le gréement en le coulant par exemple. Le monofilm de la fenêtre centrale ne s’est jamais ouvert dans une chute ou un rinçage 1200 tours.
Quant aux circonstances desdits drames, je compte un potentiel coup de genou (sur le moment la situation était floue) et une vague bien creuse de Sciotot. Je passe les malencontreux épisodes de types clôtures affûtées, fils de fer qui dépassent, dalles de rocher qui ont mal vécu leur érosion, coups de casques à pointe etc, etc.
En tout cas le malheureux à qui je confie la réparation de mes voiles a trouvé la construction sérieuse avec des renforts bien pensés. Je lui demanderai une autopsie détaillée le jour où j’arriverai à en ruiner une pour de bon en un seul coup.
Comportement
Le premier gros point fort de la Kamikaze pour moi (et des Ka en général) est sa légèreté. J’ai utilisé une fois une Banzaï 3.7 gréée sur un mât Goya pendant une session, j’avais l’impression d’avoir un éléphanteau dans les bras. La construction plus heavy duty de la Goya explique une partie de la différence.
Deuxième point fort, la plage d’utilisation. La voile fonctionne bien en jouant sur différents réglages pour le surf sailing comme un vent soutenu et se révèle surtout en plage moyenne.
Niveau comportement, de ma petite expérience de Gun Blow, de Flight Sail et de Banzaï 2018, je dirai que ça se situe dans la moyenne des 4 lattes avec moins de puissance en ligne droite que la Banzaï mais un peu moins de neutralité et de fifoulité qu’une Zorro et la Banzaï au surf. Mon avis est à tempérer en prenant en compte les faits suivants:
- je ne suis pas une référence en réglages de voile, même si depuis 2 ans la situation s’est arrangée
- Chacun son style et son niveau de navigation. Je commence à faire des trucs à peu près potables, j’essaie d’être le plus objective possible mais je suis loin d’être une experte du waveriding, du design ou des tests.
C’est une voile qui a une grosse plage de réglages sans qu’elle soit sensible au point que ça devienne un casse-tête avec un tout-ou-rien qui tient à 2 millimètres 5 microns. La Kamikaze est à même d’offrir un bon fond de puissance plage basse avec de l’appui ainsi que beaucoup de finesse en plage haute:
- Pas assez tirée au wish, elle tracte fort sur l’avant ce qui peut être intéressant quand le vent est limite, en contrepartie la vitesse est plus limitée (normal). Résultat, la voile n’est jamais totalement neutre mais reste relativement discrète tout le temps sauf en surf toilé; c’est plutôt rassurant et agréable quand les conditions sont light, mais quand le vent forcit, ça demande plus d’engagement physique, la voile tire sur l’avant au surf. C’est le signe qu’il faut tirer plus à l’écoute (au wish).
- Une fois bien tirée au wish, la voile change de visage et se révèle très fine et nerveuse, réactive à la moindre rafale. La plage haute est très bonne, ainsi que la neutralité et les accélérations. Le départ au planing sera moins percutant quand le vent mollit, mais une fois passée la deuxième la voile tient aussi bien le planing avec une meilleure vitesse.
- Je règle un peu à l’oeil pour l’amure en fonction des conditions, comme dit plus haut la cote et le repère du tendeur de chute donnent une bonne base. Pas assez étarquée, la voile se traîne quand le vent monte et n’évacue pas les surventes.
En saut, elle manque peut-être de tendresse pour les receptions de backloop, mais vu que les trois que j’ai posé sans savoir pourquoi c’était plutôt sous-toilée, et que je ne maîtrise rien, je n’ai pas d’avis sur la question ^^
Pour résumer, je dirai que c’est une 4 lattes accessible à tout le monde pour s’améliorer en vague, ultra light donc parfaite pour les petits gabarits qui naviguent dans des conditions de vent relativement régulières (les riders de Perpignan et Leucate lui préfèrent la Killer en 5 lattes qui est plus stable, à noter qu’ils font tous plus de 70kg); elle n’est pas destinée aux riders qui cherchent une voile puissante qui tracte à mort. Elle se montre versatile avec une voile qui répond présente dans le vent light au surf et qui se montre très fine dans le vent établi, à condition d’adapter les réglages.
Même si la voile est légère, elle est suffisamment robuste pour ne pas avoir peur de faire ce genre d’extravagances:
Photo: John Carter
Pour les sauts je laisse parler les photos d’Omar Sanchez, un des excellents riders de Pozo…
Apparté:
Il existe une autre 4 lattes, la KAOS qui est destinée à la pratique de l’expression libre, autrement dit le freestyle (prononcez soit freestile à la française, soit freestaïle à la french, soit fweestaïle à la fwench). Troisième possibilité, la Killer*, voile de vague en 5 lattes. Je ferai un rapide comparatif entre les trois dans un article ultérieurement.
Veuillez agréer, etc.
*pour la prononciation, veuillez vous référer à cette référence de la prononciation frenchiste:
3 commentaires
billard
tissus autocollant -> insigna
windalchemyst
Merci à toi 😉
Francois DUMESNIL
Article intéressant… Hâte d’éssayer ma nouvelle 4.7m² Kamikaze 2021…