PWA POZO 2019: Même plus peur
Depuis la déculottée de l’année dernière, Pozo est devenu une affaire hautement personnelle. Mes heats complètement arrachée en 3.3 de l’an dernier m’ont poursuivis sous la forme d’un quasi stress post-traumatique dès que la voile tirait un peu sur l’eau. N’ayant déjà que fort peu confiance en moi dans le vent fort, ce petit bout d’assurance fragile avait vite volé en éclat pour laisser place à un sentiment d’impuissance ravageur… Progressivement supplanté par l’appel irrésistible du challenge: revenir exorciser Pozo et montrer aux galets qui c’est la parisienne ici. Non mais.
RETOUR SUR LES LIEUX DU CRIME
Cette fois-ci, hors de question de débarquer la bouche en coeur la veille de l’épreuve comme j’en ai l’habitude; Nicolas Akgazciyan organisait une clinic à Pozo en juin qui tombait à pic. J’avais commencé à me perfectionner sur les fronts à Ténérife il y a 2 ans avec lui, et Nico m’avait alors poussée à tenter ma chance sur la PWA. J’en profite pour le remercier au passage de tous ses conseils et de sa présence qui m’auront donnés confiance sur ma première année de PWA, si j’y suis, c’est beaucoup grâce à lui! (si je sais gréer mes voiles aussi d’ailleurs ^^) Cette semaine à Pozo aura été assez courte en termes de volume de navigation puisqu’on n’aura passé seulement 2 jours et demi à l’eau avant qu’un épisode de pétole inédit pour la région n’étrangle les alizés, couic. A pu vent. Que dalle. Niveau intensité par contre, on aura pris cher!!! Mon objectif principal était de commencer à faire des late fronts, c’est un vieux rêve que j’ai depuis longtemps dans un coin de la tête. Le bilan de ces trois jours de révolution:
– naviguer en 3.15, c’est la vie!!!
– les planches modernes, c’est pas dégueu
– je sais enfin faire des high jumps (petit clin d’oeil à Tom), c’était le basique de l’année.
Et surtout, j’avais enfin (re)trouvé confiance en moi. A vrai dire, ma vie n’était plus la même depuis peu: le voile opaque d’incertitudes, de doutes, de haine de soi qui recouvrait – étouffait – les reliefs de mon quotidien s’était déchiré un beau jour sans crier gare. Je pouvais enfin vivre aujourd’hui en pensant à demain, et non plus subir aujourd’hui en attendant la délivrance du lendemain. Mais je raconterai tout ça une autre fois. Je m’étais retrouvée après 10 ans, je ne savais pas pour combien de temps, mais ça allait chier.
Mes premiers late ne ressemblaient pour ainsi dire… à rien ^^ comme je ne savais pas faire de high jump, c’était la cata! Les suivants ont eu plus de succès, j’ai même commencé à repartir en waterstart sur la fin. Mon gros problème vient de ma tendance à surestimer la hauteur de mes sauts, et il me manque toujours un mètre d’altitude minimum (unité marseillaise). Quand je revois mes premiers front au ras de la surface de l’eau, je me dis que c’est ma façon d’apprendre… J’ai encore un peu de mal avec les angles de trajectoires plus ou moins paraboliques en l’air, mais ça viendra. L’impact vest aura rudement bien servi en tout cas!
GRAN CANARIA WIND AND WAVES FESTIVAL
Cette année, les soeurs Moreno ont frappé encore plus fort: l’épreuve a été rallongée de deux jours pour permettre à tout le monde, dont les 60 jeunes, de s’exprimer dans les meilleures conditions possibles. Ces deux journées additionnelles auront coûté la bagatelle de 35 000€ à l’organisation, soit l’équivalent du prize money des hommes ou des femmes (la même somme pour les deux catégories cette année encore), sachant qu’il n’y a pas de bénévoles sur l’évènement: toutes les personnes de l’organisation sont défrayées! Ayant pris mes billets d’avion très à l’avance, je me suis complètement fait avoir avec ce changement de dates et heureusement mon boss a pu m’arranger une fois de plus. Je crois bien que je fais partie des raisons qui l’ont poussées à démissionner sans regret pour partir vivre à Nantes ^^ heureusement sa remplaçante a vite été mise au parfum, mouahahaha!
Voyage un peu long avec un départ à 6h40 à Orly, une correspondance à Barcelone avant d’atterrir à Las Palmas vers 15h et des brouettes. Le boardbag à 34kg est passé sans encombre au travers des mailles de la négligence aux différents comptoirs. Suite au stage de Nico, j’avais pris deux résolutions: demander une 3.0 pour l’année prochaine et changer mes boards qui fêtent leur 10ème anniversaire cette année, ce qui implique de se bouger ENFIN le cul pour un sponsor planche, mais c’est une autre histoire. En attendant de résoudre ce détail, j’avais décidé de louer une planche chez Pozo Winds pour la durée de mon séjour.
Je ne sais pas quel Dieu invoquent les organisatrices, mais à chaque fois, les prévisions collent aux plans de l’organisation de manière millimétrique. Les deux premiers jours furent consacrés au juniors avec des conditions assez moisies pour eux, un peu comme d’habitude malheureusement, l’occasion de se reposer un peu et de reprendre mes marques sur le spot.
SINGLE ELIMINAYCHEUNE
Mon heat de la single, c’était cadeau: je tombais contre Serena Zoia. Je la savais capable de faire de belles choses mais j’avais comblé l’écart de niveau qui nous séparait depuis deux ans, et je savais que je pouvais la battre. Mon heat ne fut pas des plus glorieux en finissant à 8 points et quelques avec des surfs moisis, un beau front et un back plutôt stylé à mon goût mais pas posé. Je m’étais sentie mal à l’aise sur l’eau tout au long du heat, mais au moins, j’étais passée!!!
C’était pour mieux tomber contre Sarah-Quita au heat suivant, mais bon, on commence à avoir l’habitude de se croiser en heat maintenant ^^ sachant que je n’avais strictement aucune chance, et même si ce n’était pas bien sérieux, je suis juste partie sur l’eau avec l’idée de tenter un late. A la rue en 3.3, ça m’a valu quelques belles claques sur l’encéphale avec des chutes complètement grotesques qui ont su séduire l’équipe de WindsurfingTV apparemment puisque je fais deux apparitions dans le fameux Send It Sunday. Je n’ai pas encore réussi à processer les boîtes en question.
J’ai vraiment fait n’importe quoi, et j’avais quand même une pointe de regret de ne pas avoir tenté un backloop et surfé un peu plus. C’est le problème de ne pas maîtriser suffisamment ses sauts et de ne pas les poser du premier coup, la perte de temps pour rattraper ses erreurs coûte très cher avec des heats si courts. 5 points versus 18 et plus, l’ego a gigoté en grognant au fond de son lit.
LA DOBLE!!
(Vous noterez mes progrès en espagnol) Je savais que j’allais tomber contre Oda Johanne et qu’elle était battable en se déchirant sur les surfs. Surtout, j’avais enfin retrouvé au fond de moi cette envie de gagner qui me faisait aller de l’avant sans réfléchir en slalom.
J’ai préféré assurer en restant surfer devant la plage car je savais que c’était l’endroit le plus facilement exploitable du spot avec un vent plus side, mais finalement les points où j’ai le plus assuré, à ma surprise, ce furent… les sauts. J’ai voulu tenter un late à la fin de heat qui s’est transformé en table front même pas moche en plus, coup de pot. Je ne pourrai même pas vous expliquer comment je l’ai fais, mais je suppose que ça m’arrive quand je ne décale pas assez la main arrière et que la phase de montée n’est pas tout à fait un high jump. Ce qui m’arrange vachement puisque ça me dispense de devoir dégainer le table-top en 2eme saut, que je déteste cordialement (sauf chez les autres) sachant que lorsque j’en fait de suffisamment potables, c’est pour réatterrir à plat comme du guano lâché à 20m de haut; le genre de réception qui ne manque pas de réveiller une entorse 9 fois sur 10.
Ô joie ineffable, donc.
Oda, rideuse extrêmement polyvalente de son état avait plus d’un tour dans son sac et m’a quand même mis trois points dans la vue. N’empêche que pour une fois, j’étais vraiment contente de mon heat bouclé avec un score historique de 14,48 points dont un front à 4,88. Et surtout, Gwen Marché, le photographe de l’épreuve a immortalisé mon meilleur surf certes pas replaqué, mais j’avais quand même réussi à rattraper la mousse en pompant comme une damnée.
La vraie consécration, c’était le petit pouce en l’air de John Carter lorsqu’il m’a croisée à la fin des heats ^^
CONCLUSION
Je finis 9ème de cette étape contre bonne dernière en 2017 et 2018, résultat fort sympathique en soi mais je venais à Pozo pour tenter des late avant toute chose. Je sais que j’ai eu un tirage facile et que le fait d’arriver dans le deuxième tour directement m’a ouvertement avantagée face à des tueuses comme Greta Benvenuti ou Alexia Kiefer. Le système qui est comme il est récompense l’assiduité, de ce point de vue-là au moins, je n’ai pas besoin de me remettre en question ^^
Je suis vraiment contente de commencer à maîtriser mes heats sans perdre tous mes moyens, et ma vraie victoire, c’est celle contre ma peur du vent fort et d’envoyer des fronts toilée en 3.3!!!
Cette année, ça va envoyer du steak, les gars.
PS:
Un grand merci à La Lunette Jaune grâce à qui j’ai pu arborer de vrais – et frais – numéros de voile, je sais que vous jubiliez tous à leur vue tellement les anciens étaient scandaleusement mal faits maison. Votre oeil vif et alerte aura d’ailleurs remarqué que lesdits numéros se seront décollés avec opiniâtreté au fil des heats et des photos, à ma grande tristesse. Pour les suivants je changerai de stratégie, le tramé bleu, c’est vraiment une chienlit inautacollable.
UN PETIT MOT SUR LA SEMAINE
L’étape de Pozo est souvent critiquée pour ses conditions notoirement médiocres comparées à des machines à rêve comme HawaÏ ou le Cap-Vert. Plus j’y retourne, et plus cette compétition s’impose à moi comme une des plus impressionnantes de l’année avec une aura qui ne fait que s’étendre. S’il y a un heat qui a marqué l’histoire pour moi, c’est bien celui des passes d’armes entre Köster et Marcilio Browne lors de la simple élimination: un bijou. Le windsurf à son plus haut niveau. Les frontières de l’impossible repoussées encore un peu plus loin.
A revoir ici: LIVESTREAM – vers 2h20
L’autre leçon de Pozo, c’est la montée en puissance des freestyleurs venus en force sur l’étape: Amado Vrieswijk passe deux tours avec des sauts impeccables malgré la belle résistance de Baptiste Cloarec, Gollito se hisse jusqu’à la 7eme place partagée avec Alex Mussolini (scusi du peu), Francesco Capuzzo, Antony Ruenes le tombeur de Marcilio à Sylt et Antoine Albert n’ont pas démérités non plus.
Chez les jeunes, les français ont sorti les crocs face aux locaux! Titouan Flechet remporte le contest dans la catégorie moins de 17 ans face à Liam Dunkerbeck, pas mal pour un breton qui ne fait que du tribord 🙂 Julien et Baptiste avaient fort à faire avec les snipers du spot et s’en sortent avec la 5eme place pour Bapt et la dans la catégorie moins de 21 ans.
Côté waverideurs français, c’est l’hécatombe qui rappelle que finir sa semaine à Pozo sans être passé par la case « Urgences » ou « Kiné » est aussi une victoire. Tendinite pour Alex Grand-Guillot, cheville tordue pour Jules Denel et orteil fracassé pour Thomas Traversa, sans compter les points de suture de Loïck Lesauvage et l’entorse au pied de Nicolas Quemener (je pourrai rajouter l’épine d’oursin de Julien mais ça ne l’empêche pas de lancer des flans sur les pare-brise :p) , une belle bande de bras cassés ^^ Va falloir arrêter le gluten et le lait de vache les gars, on a vraiment trop envie de vous voir envoyer en compet!!!
Pour finir, chez les filles le niveau grimpe chaque année à une vitesse indécente. Coraline Foveau faisait sa première apparition à Pozo et Nuage tentait son premier late en heat 🙂 Malgré l’absence de trois compétitrices du top 8 (Lina Erpenstein se consacre à médecine, Arrianne Aukes a décidé de kiffer un peu sa life après des années de PWA et Steffi Wahl s’est blessée avant la compet), le spectacle était à la hauteur avec les jeunes locales on fire!!! Mention spéciale à Alexia Kiefer, l’équivalent de Marino Gil chez les mecs sauf qu’elle finit 5ème et qu’elle a 14 ans. Calmés?
Justyna aura enfin trouvé l’alignement des étoiles qui lui faisait défaut et finit avec une deuxième place plus que méritée en assurant des heats propres. Leçon numéro 2: toujours assurer avant de se lâcher.
SUPERWOMAN FAIT UNE PAUSE
Je voudrai finir par un paragraphe sur Daida Moreno sans qui cette compétition n’aurait pas cette stature de légende. Malheureusement rattrapée par les réalités du corps humain, l’organisatrice-compétitrice-kiné aura fini sa courte saison (interview vers 3h35) en écrasant la concurrence en beauté comme à son habitude sur son home-spot. Je me la remémore déjà presque à bout au Maroc l’an passé où elle m’avait sauté dessus par mp pour ne pas l’avoir félicitée de sa victoire après notre heat, entres autres choses. Effectivement, je n’avais pas encore tous les codes de la coupe du monde et l’usage est de se donner l’accolade à la fin de la joute, d’autant que j’avais plus ou moins insinué dans une interview que ça ne m’aurait pas choquée de la battre. Je la pensais insensible au fait de gagner des heats puisqu’elle ne faisait que ça, ça m’a fait le même choc que de découvrir que mon frère qui donne une image de gros dur pouvait en fait être touché par une de mes méchancetés. J’étais stupéfaite.
Daida a peut-être un caractère un soupçon irascible, mais ça ne lui enlève pas le mérite de sacrifier 6 mois à organiser avec sa soeur la deuxième plus grosse compet du Tour derrière Sylt, de donner l’opportunité aux compétitrices de recevoir le même salaire que leurs collègues masculins, de gagner à chaque fois et de tenter des doubles en compet, de cumuler à ça son boulot de kiné, de devoir faire face aux conséquences d’un cancer et d’une chimio. Cette année, son corps a ployé, une deuxième fois. Starboard la laisse tomber, Severne ampute son budget de moitié.
Je souhaite le meilleur des rétablissements possibles à cette femme qui est mon héroïne et j’espère que je pourrai me hisser à son niveau un jour! Merci pour tout!!!
Bravo à tous pour les coups d’éclats et les moments de courage sur l’eau!!! Un grand merci pour les conseils des uns, le soutien des autres, on se revoit à El Medano pour la suite 😉
3 commentaires
Coiffard
Top Marine !
Félicitations pour la compète et le récit.
Verhaeghe
Hello Marine,
Merci pour ce beau morceau de vie Canarienne. Je suis impressionné par ta détermination qui te permet de consacrer ta vie au windsurf malgré tous les sacrifices que cela implique. Les résultats, c’est la rencontre du talent et du travail. Bravo
windalchemyst
Merci Antoine, j’ai tout autant voire plus d’admiration pour les personnes qui choisissent de se consacrer à leur famille ou à la société 🙂 dans mon cas je me laisse porter par ce qui me plaît, les choix sont plus simples ^^